Blog
Mieux intégrer les exclus par le travail
Posted by: Philippe Nantermod | Posted on: March 5th, 2010 | 0 Comments
« Passage », le programme de réinsertion de la ville de Winterthur
Depuis 2001, la ville de Winterthur expérimente un nouveau modèle de réinsertion des demandeurs de l’aide social intitulé « Passage ». Le projet, au demeurant simpliste, consiste à imposer aux requérants aptes au travail et en âge de travailler l’obligation de travailler au service de la collectivité durant un mois avant de pouvoir obtenir des prestations des services sociaux, selon un principe assez simple : pas d’effort, pas d’aide sociale. L’objectif du projet est de pousser les personnes qui le peuvent à trouver une solution en dehors de l’aide sociale en se réintégrant dans le milieu professionnel.
Les personnes astreintes à la mesure sont soumises, dans la mesure du possible, à un travail correspondant à leurs compétences. Il ne s’agit néanmoins pas d’une nécessité, l’objet prioritaire du programme étant de replacer les gens dans une situation de rapports de travail hiérarchiques et d’horaires clairs et définis. Le postulat de base est qu’une activité à plein temps constitue souvent le meilleur remède à la marginalisation d’une personne face à un marché du travail de plus en plus complexe et exigeant.
Si la mesure peut sembler anecdotique, une étude indépendante commandée en 2008 a démontré que les effets du programme « Passage » étaient d’une efficacité surprenante. Pour l’année 2007, 310 personnes répondaient au critère d’entrée dans le programme « Passage ». Parmi elles, 54 ont d’emblée renoncé à l’aide sociale. L’étude explique cela notamment par la présence parmi ce chiffre de travailleurs au noir qui voyaient en l’aide sociale un complément salarial aussi bienvenu qu’inacceptable.
Globalement après le mois d’activité, les statistiques montrent que, parmi les demandeurs soumis à l’obligation de travailler, 138 ont finalement quitté le réseau de l’assistance sociale au profit d’un travail, d’une assurance sociale ou d’une autre forme de soutien, familiale notamment. Diminuer de près de moitié le nombre de demandeurs de l’aide sociale aptes au travail en un mois est un véritable exploit.
D’un point de vue financier, il est certain que la mesure engendre un coût non négligeable. L’encadrement des personnes soumises au programme, les charges salariales liées à l’exercice d’une activité n’en constituent qu’un exemple. Soulignons cependant que l’analyse du projet « Passage » a relevé que pour chaque franc investi, Frs. 4.15 sont économisés.
Enfin, last but not least, 80% des personnes interrogées qui ont été soumises au programme ont estimé a posteriori que le caractère obligatoire de la mesure était positif.
Une mesure qui fait tache d’huile
On le comprend : si les services sociaux Winterthur n’ont pas mis sur pied le graal en matière d’aide sociale, ils ont tout de même trouvé une mesure simple, efficace et économe. A tel point que la ville de Zürich lui a emboité le pas et a mis en œuvre un programme similaire. Depuis, Lucerne s’y est mis, le Grand conseil bernois a accepté une motion allant dans le même sens et une intervention analogue a été déposée chez nos voisins vaudois.
En Valais, j’ai déposé une initiative parlementaire pour le groupe PLR. Cette initiative parlementaire a pour but de modifier la loi très judicieusement intitulée « Loi sur l’intégration et l’aide sociale ». L’insertion d’un article 10a devrait permettre d’introduire dans notre canton une mesure similaire à celle de Winterthur. Il semble que le canton du Valais compte chaque année quelques 250 personnes qui seraient soumises à ce programme. Si le succès alémanique devait se confirmer ici, cela signifierait non seulement de sérieuses économiques pour les collectivités publiques, mais surtout la réinsertion d’une quantité non négligeable de personnes aptes au travail.
Dans les faits, si le projet est accepté, toute personne apte au travail, en âge de travailler et n’ayant pas d’enfant à sa charge sera soumise, dès son entrée dans l’aide sociale, à une obligation de travailler d’une durée d’un mois en faveur de sa commune de résidence ou de l’Etat du Valais. Le Conseil d’Etat sera invité à formuler dans un règlement les modalités d’application du programme et pourra fixer d’autres exceptions que celles prévues dans l’initiative.
La version valaisanne du programme « Passage » ne se veut pas être la formule miracle aux problèmes rencontrés par les personnes que les aléas de la vie laisse du côté de la route. Elle doit compléter les excellentes mesures prises par le canton du Valais jusqu’ici et offrir une nouvelle chance de réinsertion à ceux qui en ont le plus besoin. La balle est désormais dans le camp du Grand conseil.
Leave a Comment